Guadeloupe. Quartier populaire. Chris, un jeune homme qui se débat entre deals, rodéos à moto et une vie affective chaotique, voit son destin basculer lorsqu’un bébé est déposé devant sa porte. Un point de départ qui, à première vue, semble improbable, mais qui donne naissance à ZION, le premier long-métrage de Nelson Foix. Un film intense et percutant, qui dépasse les frontières locales pour poser une question universelle : comment grandir dans un monde qui semble vous ignorer ?
Qualifié de thriller social, ZION s’éloigne des codes habituels du film de banlieue ou du récit d’apprentissage. Son personnage principal, joué avec une force inouïe par Sloan Decombes, évolue dans une Guadeloupe qui ne correspond pas aux clichés touristiques. Ici, ce sont des bâtiments abandonnés, des quartiers où la tension est palpable, des vies suspendues à quelques billets.
Un bébé, surgissant sans explication, devient le catalyseur d’une profonde transformation intérieure pour Chris. Là où la société marginalise et rejette, l’enfant apparaît comme un miroir brutal : il force Chris à se poser une question essentielle. Va-t-il assumer sa responsabilité, fuir, ou sombrer encore plus bas ?
Nelson Foix, avec sa connaissance intime du sujet, nous livre une œuvre empreinte d’une vérité dérangeante. Né en métropole, mais ayant grandi entre Bondy et la Guadeloupe, son regard est à la fois celui du fils du bitume, baigné dans le hip-hop et la boxe, et celui d’un observateur lucide d’un système antillais rongé par les inégalités sociales, les séquelles de la colonisation et les silences des institutions.
Comme le dit le réalisateur : « Chris représente une jeunesse qui vit au jour le jour, sans repères, dans une société où tout semble avoir été effacé ». Ce personnage n’est ni un héros, ni un martyr. Il incarne cette zone grise qui résonne profondément avec de nombreux jeunes, non seulement en Caraïbe, mais aussi ailleurs.
Le film s’éloigne des images classiques de cartes postales. Dans ZION, la Guadeloupe n’est pas un décor paradisiaque mais un territoire fracturé où précarité, colère et l’âme caribéenne s’entrechoquent. Une scène marquante du carnaval ne se limite pas à une simple célébration : elle devient un acte de résistance identitaire, de mémoire collective et de spiritualité vivante.
Nelson Foix tisse avec subtilité une dimension mystique, souvent négligée dans le cinéma occidental. Les rêves, les signes, les visions s’intègrent dans un récit profondément ancré dans la culture antillaise, tout en portant une résonance spirituelle qui renvoie aussi à l’Afrique.
Tourné principalement en créole guadeloupéen, le film bénéficie d’une large distribution (The Jokers Films) et d’un soutien notable de Canal+, France 3, Prime Video, et Jamel Debbouze à la production. Avec plus de 200 000 entrées en un mois, ZION dépasse toutes les attentes. Son impact va bien au-delà de la Guadeloupe, touchant un large public, notamment au sein de la diaspora.
Pourquoi ce film mérite-t-il d’être vu en Haïti ? Parce qu’il parle d’abandon, de survie, de filiation et d’espoir, même dans la chute. Parce qu’il dépeint des réalités similaires à celles vécues par la jeunesse haïtienne : des parcours entravés, des familles brisées, et une société à reconstruire.
À la croisée du drame social, du polar et de la fable mystique, ZION s’impose comme une œuvre indispensable. Dans une époque où les récits dominants écrasent les voix périphériques, ce film rappelle la puissance du cinéma indépendant : un cinéma enraciné, incarné.
Ce premier long-métrage de Nelson Foix annonce déjà une carrière prometteuse. Et il prouve, s’il en était besoin, que la Caraïbe a des histoires à raconter – des histoires qu’il est grand temps que le monde écoute.
CP : https://www.thejokersfilms.com/zion
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